Mébendazole : la piste des brevets

Rappel : le fenbendazole est une molécule vétérinaire. Son équivalent humain, le mébendazole, fut commercialisé à partir de 1972.

Dans mon livre, je présente le premier (via l’histoire de l’Américain Joe Tippens, chapitre 17) et le second.

Avantage du mébendazole ? Un médecin pourrait le prescrire hors indication. On trouve des études liées au cancer (j’en liste une dizaine) et même quelques tests cliniques.

Dans le chapitre 18, j’indique que l’université américaine Johns Hopkins a déposé un brevet en 2016 portant sur l’utilisation du mébendazole contre le glioblastome (le terrible cancer du cerveau) : « Polymorphe du mébendazole pour le traitement et la prévention des tumeurs« .

Lien : https://patents.google.com/patent/US20180021310A1/en

Ce brevet me semble un peu tiré par les cheveux, car il met en avant le polymorphe C (le mébendazole en a 3 : A, B, C, ce sont des formes cristalines)… qui est déjà utilisé dans la plupart des préparations pharmaceutiques. Rien de neuf donc. Les chercheurs ont toutefois ajouté dans la corbeille un mélange avec un anti-inflammatoire non stéroïdien et un inhibiteur de la P-glycoprotéine.

Creusons un peu cette piste.

D’abord, rappelons que Johns Hopkins abrite un prestigieux centre anticancer (via son école médicale), créé au début des années 70 (renommé en 2001 « The Sidney Kimmel Comprehensive Cancer Center« ).

Nous n’avons donc pas à faire à des gens loufoques.

Or, des membres de la même équipe à Johns Hopkins (conjointement avec un centre de recherche tchèque) ont déposé un second brevet (demande février 2019, attribution août 2023): « Prodrogues de mébendazole avec une solubilité et une biodisponibilité orale améliorées ».

Lien : https://patents.google.com/patent/US11712435B2/en

Là, ils enfoncent le clou. Ils ont créé une vingtaine de « dérivés » du mébendazole (en changeant quelques atomes ici ou là) et ont testé leur biodisponibilité (sur des souris).

L’approche de ces scientifiques n’est donc pas d’affirmer que le mébendazole a une ou des actions antitumorales (pour eux, c’est un acquis), mais plutôt de renforcer la biodisponibilité de cette molécule (car elle est peu soluble, donc par voie orale, on perd en puissance/efficacité).

Et certains de ces dérivés affichent des performances très élevées en termes de mesures (par rapport au mébendazole classique). N’étant pas chimiste, leur brevet est difficilement compréhensible. Si des professionnels me lisent, n’hésitez pas à partager votre opinion.

Ne soyons pas naïfs : cette approche est nécessaire… car seul un produit « original » (donc modifié, même légèrement) est brevetable.

Cela ne signifie pas que le mébendazole dans sa forme première n’est pas efficace. La ou les modifications décrites dans le brevet n’offrent peut-être qu’un avantage pratique tout à fait marginal.

Sans études supplémentaires, tests, nous ne pouvons pas juger.

En 2022, la société américaine BullFrog AI Inc. licencie ces 2 brevets (pour le monde entier et selon le format classique : montant fixé payé à signature plus royalties sur les ventes).

BullFrog AI Inc, créée en 2017, a été introduite en bourse (Nasdaq) en février 2023.

Que penser de tout cela ? Certains critiqueront une telle « marchandisation ».

Je suis passé par là.

Pourtant, après réflexion, c’est plutôt positif, car cela introduit dans l’équation ce qui manquait jusqu’à présent : l’argent.

Le fenbendazole et le mébendazole appartiennent au domaine public depuis des décennies. Il y a donc zéro dollar à gagner. Voilà pourquoi -entre autres- Big Cancer a beau jeu de les ignorer.

Alors qu’avec les brevets de Johns Hopkins, nous avons désormais une société commerciale dont l’intérêt ontologique (oncologique ?) est de promouvoir ces molécules (contre ou en association avec les chimios conventionnelles) afin d’engranger des profits.

La société ne se cache pas. Elle se lèche les babines !

Bullfrog AI écrit ainsi en 2023 : « Le marché mondial du traitement du glioblastome multiforme devrait passer de 5,1 milliards de dollars en 2020 à environ 10,2 milliards de dollars d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel composé de 12,8 % au cours de la période de prévision, selon un rapport de Vision Research Reports. »

Soyons clairs : si ces « prodrogues » offrent de véritables avantages thérapeutiques par rapport au mébendazole classique… elles seront immédiatement copiées (Inde, Chine, etc.). Et la société américaine n’y pourra pas grand chose.

Bref, nous devons observer la situation avec le cynisme de Big Pharma. Cette entrée en scène commerciale va inévitablement populariser ces molécules (et par ricochet son cousin le fenbendazole). D’autres scientifiques se mettront alors en chasse. Cela débouchera sur de nouveaux tests, de nouvelles études.

Bref : c’est tout bénéfice… pour les onconautes !

PS : La piste des brevets doit être explorée davantage. En réalité, des la fin des années 90… des scientifiques ont breveté l’utilisation de « benzimidazoles » (famille qui contient le mébendazole et le fenbendazole) contre le cancer.

Et pas d’obscures officines… On trouve ainsi le géant américain Procter & Gamble (voir en 1996, « A pharmaceutical composition containing benzimidazole for inhibiting the growth of cancers« ) !

Je reviendrai en détail sur cet aspect dans mon prochain livre.

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